mercredi, septembre 27, 2017

Comme un ouragan part 4.

Maintenant qu'on peut à nouveau circuler, on a envie de donner un coup de main. Les sites de la Croix-Rouge, de Baker Ripley et autres associations sont saturés d'appels. Je m'inscris sur tellement de listes de bénévoles que, quand je finis par recevoir un message, je ne sais même plus d'où ça vient. Qu'importe : on nous demande de venir à partir de 10H au foyer de l'Armée du Salut. On ira. 

A l'arrivée dans le bâtiment, des gens dorment dans le couloir. On nous fait signe d'entrer, on prend nos noms, et puis on nous dirige en cuisine. Il faut préparer le déjeuner pour 120 personnes, soit 50 de plus que ce foyer héberge habituellement. Il y a donc là sans-abris "traditionnels", et sans-abris "occasionnels", pêle-mêle. Je dois dire qu'on ne voit pas vraiment la différence. 

On découpe des tomates, on déballe des cookies pour le dessert, quand soudain arrive un camion plein à ras bord de dons. On décharge les dizaines de barquettes sur le plan de travail. Maria, la chef de cuisine, inspecte le tout : des oeufs au bacon, du riz cuit, de la salade, des pains naan, des saucisses... Elle renifle, touche, en fout les trois quarts à la poubelle. "Si je ne suis pas prête à le manger moi-même, je ne le donne pas aux résidents", explique-t-elle. Les restaurants locaux ont voulu se montrer généreux, en nous envoyant leurs invendus ; mais il est clair que les règles élémentaires de conservation n'ont pas toujours été respectées. 

Maria décide qu'on servira les 130 burgers qu'une compagnie texane, Chick Fill-A, avec des chips ce midi. En dessert, quelques tiramisus rescapés de la poubelle, cookies et muffins colorés. Drôle d'idée, pour une nourriture censée reconstituer les évacués et les SDF. En France, chez l'abbé Pierre, c'est plutôt jambon cuit, purée et petits pois. Le lendemain midi, même topo : pizzas géantes, livrées par Russo's, chips, et cupcakes. Je remarque qu'il y a un tiers d'enfants dans les bénéficiaires que nous servons. Bon. J'admets que les principes d'équilibre alimentaire ne soient pas la priorité en ce moment.

Au moment de passer à la vaisselle, un gars du service jeunesse vient nous chercher : un gars venu livrer du matériel de chantier depuis l'Arkansas a rempli le reste de son camion de packs d'eau. Il faudrait décharger. Il fait à présent 32 degrés sous le soleil texan et personne ici ne manque d'eau, mais on accepte le cadeau. Tout cela sera redistribué dans les coins du Texas qui en ont besoin. Vers 13H30, crevés, on se dit qu'on aimerait bien partir. 

Mais c'est le moment que des particuliers choisissent pour amener des chargements entiers de couvertures, savons, chaussettes, jeux pour enfants, etc. Pas question de leur dire de revenir plus tard : ils ont déjà eu un mal de chien à trouver un centre qui accepte encore les dons, tellement tout est surchargé. Alors on collecte, on trie : le neuf, le deuxième main, le pour maintenant, le pour plus tard. On trouve des trucs étonnants : mais qui diable fait don de chaussettes d'occasion ? 

A 14H15, on rentre s'affaler sur le canapé, assez satisfaits, finalement. C'est bête à dire, agréable d'échapper un moment au syndrome du survivant, celui qui n'a souffert de rien alors que tant de gens ont tant subi autour de lui. 

(Bon. Le deuxième jour à l'Armée du Salut, on a assisté au show d'un magicien apparemment hyper célèbre, David Blaine. L'équipe de com' nous a demandé d'enfiler des tabliers siglés de leur logo et de se placer dans le champ des photos. Et voilà comment on se retrouve imposteur magnifique : on trônera sur le site internet de l'assos après y avoir donné en tout et pour nous 8H de notre vie, alors que les vrais bénévoles n'ont pas été sollicités... On s'est sentis un chouïa moins contents de nous du coup). 

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