Le samedi, au réveil, il pleut des cordes. A Houston, on a l'habitude, à chaque fois qu'il flotte c'est quasiment la mousson. Mais là, le ciel est noir, bouché ; il faut allumer la lumière électrique dès le petit matin. C'est très inhabituel, dans notre zone tropicale très lumineuse. Du haut de notre cinquième étage, on essaie de distinguer ce qui se passe en bas : pas grand-chose, semble-t-il. Les maisons et les arbres ont toujours la même tête qu'hier soir, en plus mouillé.
L'école envoie un deuxième message : elle sera fermée lundi et mardi aussi. Le temps prend alors une consistance différente. On sera là, quatre jours, tous les deux dans notre 100m2, avec des livres, des films, une salle de sport trois étages plus bas et internet. Quatre jours sans aucune obligation extérieure : pas de boulot, pas de courses, pas de plein d'essence, rien. Juste du temps à modeler, dont on fera ce qu'on voudra, absolument. Quand a-t-on un moment comme ça, dans la vie ? Sans aucune sollicitation ? C'est presque relaxant. Et de fait, les premières nuits, je dors mieux : plus de stress, plus de chaleur étouffante ni de lumière aveuglante dans la figure à 7H du mat'.
Le soir, notre amie et voisine nous invite à venir regarder un film chez elle. On accepte, contents d'échapper à l'assignation à résidence pendant quelques heures. Mais dix minutes avant l'heure, un orage formidable éclate. Je commence à douter que ça soit une bonne idée. La télé a parlé de câbles à haute tension qui pourraient être tombés, puis avoir été recouverts d'eau, et qu'on pourrait heurter par mégarde. N, à qui on a promis qu'on jouerait aussi à des jeux de société, ne veut pas en démordre : c'est à cinq minutes à pied, ce n'est rien, et il n'y a même pas dix centimètres d'eau par terre. Notre amie nous envoie des textos : ne venez pas, tant pis, on prévoit des mini-tornades d'ici minuit, ça craint.
On met le nez dehors : bon, ça ressemble à une grosse tempête, mais je suis bretonne, j'en ai vu d'autres. On trottine donc, vêtus de notre plus belle cape de pluie, jusqu'à chez la copine, qui nous voit débarquer avec des yeux ronds : "You made it ! Waouh !" Elle nous installe dans la salle de repos communautaire. Tout autour traînent plusieurs résidents de son bâtiment, visiblement désoeuvrés et un peu inquiets. On commence à jouer ; j'ai vue sur la piscine, transpercée de grosses gouttes diagonales, éclairées par les projecteurs. Tout au long de la soirée, je la verrai se remplir dangereusement.
Vers les 22H, on décide de monter chez notre amie regarder le fameux film. Il y a une accalmie. On décide d'observer depuis le balcon. Plus de pluie, mais la rue est devenue une petite rivière. Le trottoir est entièrement recouvert, et la route submergée en plusieurs endroits. Deux voitures sont noyées, sur notre gauche. Quelques fous, ou inconscients, conduisent dans ces bons soixante centimètres de flotte. Sans doute le fait d'avoir un 4x4 pousse-t-il à se croire invincible. Quelques-uns font demi-tour à mi-chemin, effrayés par le bruit que font leurs roues ralenties par les trous d'eau.
Un couillon passe et repasse à toute blinde, comme amusé par le divertissement gratuit. Il pousse les autres voitures plus prudentes à accélérer, ou à continuer quand elles voudraient peut-être renoncer. Mais bientôt, les pompes étant super efficaces, l'eau diminue à vue d'oeil. Les trottoirs sont à nouveau visibles. Des gens commencent à sortir promener leur chien, d'autres viennent voir si leur véhicule a pris cher. Nous rentrerons presque à pied sec, juste aux alentours de minuit.
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