mardi, août 29, 2017

Rentrer.

La France m'a choyée.
Des cent cinquante fromages achetés par mes parents pour me faire plaisir, à l'accueil de rock-star reçu dans mon ancien lycée, de pique-nique aux Buttes-Chaumont en baignade frileuse dans les eaux du Morbihan... Chaque instant ou presque fut un émerveillement. Paris est si belle, en août, que je lui pardonnerais même ses tables minuscules, ses toilettes ignobles et ses serveurs malpolis.

Mais voilà, il faut rentrer. Le coeur gonflé de l'amour des siens, et le coeur gros de devoir les quitter, on récupère ses énormes valises et on y va. 

A l'aéroport, dès l'enregistrement des bagages, je suis saisie par une petite voix flûtée qui m'appelle. C'est une de mes élèves – le vol en sera plein. A chaque fois que nos chemins se croiseront, au contrôle des passeports, à l'embarquement, elle m'interpellera comme si c'était la plus grande coïncidence du monde. Si j'apprécie la marque d'attention, je ne kiffe pas nécessairement le serrement de main aux parents que cela entraîne. Voyez-vous, quand on s'apprête à passer dix heures dans un avion, on a les cheveux sales, la tenue confortable, voire le vieux sac Quechua taché en bandoulière et un magazine à la con dans la main. La dernière chose dont on a envie, c'est d'assurer le service après-vente de son école. Alors, j'avoue, je suis allée me planquer au Relay H le temps qu'une famille que je connais passe la sécurité.

Tout au long du processus d'embarquement, l'automatisation des tâches m'a étonnée. Pour imprimer son billet, ça, on connaissait ; puis, pour enregistrer son bagage et le faire glisser sur le tapis roulant ; pour contrôler les passeports ; enfin, pour vérifier l'identité des gens montant dans l'avion. Rien qu'avec mon trajet personnel, c'est déjà trois jobs de supprimés (et pas mal de bugs). 

Le vol est finalement une extension de mon séjour français, avec surdose de films tricolores. J'hésite même à prendre un verre de champagne, parce que c'est censé être la spécialité d'Air France et parce que je peux, mais finalement, 11H du matin, c'est un peu tôt. Je me plonge dans "Le ciel attendra", film incroyable dont je n'avais pas entendu parler, et "Aurore", que je ne connaissais pas plus. Après tous ces mois d'Hollywood trustant les salles comme Netflix et Itunes, la finesse du cinéma européen me fait du bien. Détail qui ne gâche rien, mon plateau végétarien me sera servi avant tout le monde, faisant bien des envieux qui se demandent ce que je peux bien avoir de spécial. Très honnêtement, je savoure : c'est fort rare que mon régime alimentaire me donne l'impression d'être traitée comme une reine.

A l'arrivée, mon oreille remarque tout de suite le petit accent traînant des personnels au sol : nous voilà bien revenus dans le Sud étatsunien. Je ne suis pas triste, je suis à peine fatiguée : j'ai le sentiment de rentrer à la maison, la seule qui soit réellement mienne à présent, de réenfiler des vêtements confortables, que j'ai faits à ma taille. Serais-je en train de m'habituer au Texas ? Cerise sur le gâteau : l'agent d'immigration, en voyant ma carte verte, me lancera un grand « Welcome home » joyeux. C'est la première fois.  Vous savez quoi ? Ca m'a remuée.