mercredi, mai 09, 2007

La France qui se couche tard

J+3. La gueule de bois de lundi matin s'est doucement estompée.
On avait beau s'en douter depuis quelques jours, ça fait toujours mal.
A se demander si, finalement, laisser le peuple décider par lui-même se justifie bien. On regarde avec suspicion les gens dans le métro : vingt-six passagers. Là-dessus, y'en a environ douze qui ont voté Sarko. Ces douze-là se foutent de ses liens privilégiés avec les médias et les milieux d'affaires (Mais non Silvio, c'est pas de toi que je cause), de ses rafles de sans-papiers à la sortie d'écoles ou lors de distribution de nourriture, de sa volonté de dépister la délinquance, forcément génétique, dès la maternelle. Voire, y'en a que ça rassure ou réjouit. Ca fait pas envie.
J'ai terminé cette campagne beaucoup plus enthousiaste que je ne l'avais commencée. J'ai même voté par conviction, et pas par pure loyauté ou anti-sarkozysme primaire. D'abord, c'est vrai, Ségolène, son goût prononcé pour la notion de famille, les relents d'ordre moral de ses discours, me déplaisaient franchement. Je trouvais son tour de France des discussions un brin démago, et son absence de programme me gênait sérieusement. Et puis insensiblement, depuis février, elle m'a convaincue. Parce qu'elle prônait une vraie politique de gauche, que ses discours ne manquaient pas de panache. Et parce qu'en tant que femme, elle s'en est tant pris dans la poire que, forcément, elle m'est devenue sympathique.
Je ne reviendrai pas sur les "Qui va garder les enfants ?" et leurs variations provenant de son propre camp. Leur sombre crétinerie parle d'elle-même. Mais l'étiquette d'"incompétente" qui lui a collé au tailleur pendant toute la campagne me paraît beaucoup plus choquante. Parce qu'elle n'était souvent assortie d'aucun argument concret, parce que personne ne croit sérieusement qu'un président sache tout sur tout et gouverne sans conseillers techniques, et parce que l'on n'a jamais acollé cet adjectif à son adversaire, qui pourtant nous aura largement abreuvé en inepties.
Alors, macho, la France ? On craignait que DSK ne soit pas élu parce qu'il est juif. On a aussi expliqué la défaite de Jospin en 2002 par son protestantisme. Aucun Noir ou Maghrébin ne s'est encore risqué à briguer la magistrature suprême, mais il y a fort à parier qu'il serait bien reçu. Ah, cette fameuse rencontre entre un homme et un peuple... Homme oui, pas femme, et Blanc, catholique, médiatique.
Y'a juste des jours où on a envie de beugler : "Pays de meeeeeerde !"

mercredi, mai 02, 2007

Down there in Africa

Ce message sera dédié à ma Griet, que j'ai salement négligée ces dernières semaines, et dont je viens de recevoir une lettre qui m'a touchée jusqu'aux larmes. Bon, je suis du genre émotif, ce n'est pas un secret, mais c'était vraiment de jolis mots. A mon tour de t'en envoyer quelques-uns.
Je voudrais te raconter Mombasa, ma tranche d'Afrique en solo. Mon arrivée éberluée dans les 30° de l'aéroport, comment je me suis fait gentiment arnaquer par le chauffeur de taxi qui m'a emmenée en ville, et la chambre miteuse dans laquelle j'ai dormi. D'abord, y'avait aucun touriste. Ensuite, les moustiquaires sur les fenêtres fermaient mal, et les nombreuses coupures d'électricité empêchaient le ventilateur de fonctionner. Plus gênant, la propreté du lit était douteuse. Mais on peut pas dire que j'aie passé des nuits dans des endroits beaucoup plus pourris en Tunisie ou à Prague. Et puis, what the hell, personne n'est jamais mort de contact avec des draps sales.
Je voudrais aussi te dire la vieille ville, ses encombrements et ses senteurs, la pauvreté qui affleure, la distance à laquelle on repère les touristes et les femmes seules. S'il est assez simple de comprendre ce que veulent ces gamins à la main tendue, pour les hommes en revanche c'est plus difficile : en veulent-ils à mon fric, ma nationalité (trois propositions de mariage en trois jours) ou plus prosaïquement à mes fesses ? Peut-être bien les trois, d'ailleurs.
Je voudrais enfin te parler du village de Bombolulu, où vivait John, mon guide du jour. Des volailles et des chèvres qui vivent au milieu des gens, des rigoles d'évacuation sur la terre sèche. Du regard dédaigneux des femmes sur mon passage, de la curiosité des enfants qui me suivaient en chantant "Hi ! How are you ?" à tue-tête. Quand je passe entre les habitations une main se tend même pour toucher mes cheveux raides de Blanche. Avant de partir, je photographie une petite fille en robe de princesse maculée de terre. La gamine me tourne le dos, seule sa tête pivote pour me jeter un coup d'oeil timide. Son expression est incroyable, prise entre la gêne à mon égard et la fierté d'être distinguée parmi ses copines. La photo est ratée, pas assez de lumière, mais cet instantané survivra longtemps dans le fond de ma tête, ça je le sais.
Voilà, ma chère Griet, ce que je ne t'ai que peu écrit dans cette lettre que je te posterai demain, parce que j'étais empêtrée dans d'autres affaires plus futiles. Mais tout au long de mon saut en parachute africain, je savais que tu étais là, quelque part, et ça m'a fait du bien.