mardi, janvier 30, 2007

Pourquoi j'ai quitté le journalisme

Ca faisait un moment que je n'avais plus croisé de journaliste. Oh que je suis contente d'avoir quitté ce milieu.

Pourtant, il n'est pas désagréable, ce dingo de radio. C'est même plutôt un mec bien, qui a choisi de travailler sur la banlieue avec les gens qui la peuplent et la font vivre. Il est investi dans plusieurs projets pédagogiques avec des gamins du 9-3. Grimace quand on lui sort le mythe de l'objectivité journalistique, y substituant la notion "d'honnêteté" : chacun a un angle, suffit de le présenter clairement pour que l'auditeur y adhère, ou pas. Travaille au jour le jour sur le terrain, au lieu de débarquer en périphérie lorsque ça pète. Professionnellement, c'est très certainement un type rare.

Seulement voilà, il a l'arrogance facile. La réponse à tout planquée dans la besace, prête à être dégainée. Il maîtrise l'art du discours, le noyage de poisson technique et la fausse modestie. Une armure de guerrier, peu d'humour sur soi. Toute la différence entre un Chateaubriand et un Romain Gary.

Je ne lui jette pas la pierre. J'en ai rencontré plein, des comme ça, dans ma courte carrière. Jusqu'à mon copain James, timide débutant il y a cinq ans, responsable de rédac bavard et prétentieux aujourd'hui. C'est un métier qui déforme, qui blinde, rend cynique. Ce masque de combattant est probablement ce qu'on exige d'un bon journaleux. Le mien s'attachait décidément bien mal.

Quand on me demande pourquoi j'ai changé de voie, j'ai pris l'habitude de répondre : "Parce que je me sentais nuisible à la communauté humaine dans laquelle je vivais, à monter les faits divers en épingle, à annoncer des licenciements avant le patron, pour vendre du papier." Et c'est totalement vrai. J'énonce aussi, en vrac, les horaires extensibles à l'infini, la galère quand on n'a pas fait d'école de journalisme, les rapports biaisés avec la population, mon manque d'audace et de répartie. Et tout cela aussi est vrai. Mais j'aurais pu le supporter. Bien d'autres métiers supposent l'équivalent.

Non, je crois surtout que j'ai eu peur de m'abîmer. De ne plus voir dans la misère et la détresse qu'un énième sujet de société, de recevoir les confidences avec l'arrière-pensée d'un papier en Une. De penser le monde selon la règle du "mort kilométrique" (un macchabée à deux pas en vaut 50 à Bamako). Je ne veux pas pouvoir me laver les yeux de tout, pour reprendre l'expression de la téléreporter Marine Jacquemin.

Au moins, le métier de prof me permet de rester humaniste.

samedi, janvier 13, 2007

C'est couillon, un élève

Jason, mon petit Jason, toi qui tournes à 6 de moyenne depuis le début de l'année, penses-tu un instant que je vais croire que tu as imaginé seul une phrase telle que :
"ce rapport objectivité/subjectivité ne se résume-t-il pas finalement dans la balance entre entre le travail de rétrospection (regard en arrière sur les faits passés) et le travail d'introspection (observation méthodique de l'auteur sur sa vie intérieure) de l'auteur ?"

mardi, janvier 02, 2007

Joyeuse surconsommation 2007

1er janvier 2007 : les supermarchés français ont enfin accès à la pub télévisée. Réjouissons-nous de ce progrès pour le consommateur, qui n'avait jusqu'ici que la radio, les pages de ses journaux et magazines préférés, les hideux panneaux qui défigurent le paysage urbain et routier, les couloirs de métro, les affichettes des grandes surfaces et les brochures en papier glacé distribuées dans sa boîte aux lettres pour s'informer. Au vu des quelques spots diffusés dès hier, on peut de surcroît s'attendre à des sommets inouïs, question créativité.
Si je suis un brin amère, c'est que, par moments, mon ancien métier de journaliste me revient. Que je me souviens des menaces pas voilées du tout du grand annonceur local, un supermarché justement, lorsque nos fort innocents articles gênaient ses petites affaires. Je me souviens aussi de la mine de l'éditeur et de la responsable du service commercial, expliquant au gratte-papier trop consciencieux qu'il allait falloir revoir sa copie, sous peine de se voir retirer un sacré budget pub. Et je me dis que les reportages sur les coulisses de la grande distribution, les heures sup' non payées des caristes ou le harcèlement moral des caissières ne risquent pas de fleurir sur nos chaînes hertziennes dans les années à venir.
La loi qui, depuis 1968, empêchait les supermarchés de postillonner sur nos petits écrans avait pour but de protéger la presse écrite, qui tire une immense partie de ses revenus de ces réclames-là. Si violemment que je vomisse un système qui fait dépendre l'info de la pub, je me demande un peu comment vont survivre les journaux, ces vestiges préhistoriques où l'on trouve encore investigation, analyse de plus de trente lignes et mise en perspective, si on a de la chance. Je m'inquiète aussi de savoir à qui va profiter cette manne inespérée. Sur ce dernier point, je suis rassurée par la lecture d'un Libé de décembre : "Bonne nouvelle : c'est TF1, une pauvre petite chaîne dans le besoin, qui va survivre grâce à la grande distribution." Bonne nouvelle, oui : je ne suis pas la seule à habiller de sarcasme mes très sérieuses craintes.