1er janvier 2007 : les supermarchés français ont enfin accès à la pub télévisée. Réjouissons-nous de ce progrès pour le consommateur, qui n'avait jusqu'ici que la radio, les pages de ses journaux et magazines préférés, les hideux panneaux qui défigurent le paysage urbain et routier, les couloirs de métro, les affichettes des grandes surfaces et les brochures en papier glacé distribuées dans sa boîte aux lettres pour s'informer. Au vu des quelques spots diffusés dès hier, on peut de surcroît s'attendre à des sommets inouïs, question créativité.
Si je suis un brin amère, c'est que, par moments, mon ancien métier de journaliste me revient. Que je me souviens des menaces pas voilées du tout du grand annonceur local, un supermarché justement, lorsque nos fort innocents articles gênaient ses petites affaires. Je me souviens aussi de la mine de l'éditeur et de la responsable du service commercial, expliquant au gratte-papier trop consciencieux qu'il allait falloir revoir sa copie, sous peine de se voir retirer un sacré budget pub. Et je me dis que les reportages sur les coulisses de la grande distribution, les heures sup' non payées des caristes ou le harcèlement moral des caissières ne risquent pas de fleurir sur nos chaînes hertziennes dans les années à venir.
La loi qui, depuis 1968, empêchait les supermarchés de postillonner sur nos petits écrans avait pour but de protéger la presse écrite, qui tire une immense partie de ses revenus de ces réclames-là. Si violemment que je vomisse un système qui fait dépendre l'info de la pub, je me demande un peu comment vont survivre les journaux, ces vestiges préhistoriques où l'on trouve encore investigation, analyse de plus de trente lignes et mise en perspective, si on a de la chance. Je m'inquiète aussi de savoir à qui va profiter cette manne inespérée. Sur ce dernier point, je suis rassurée par la lecture d'un Libé de décembre : "Bonne nouvelle : c'est TF1, une pauvre petite chaîne dans le besoin, qui va survivre grâce à la grande distribution." Bonne nouvelle, oui : je ne suis pas la seule à habiller de sarcasme mes très sérieuses craintes.
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