lundi, septembre 25, 2017

Comme un ouragan part 3

Les jours avancent, l'école reste fermée. Six jours ouvrables, auxquels s'ajoutent week-ends et un lundi férié, soit 11 jours d'assignation à résidence. Plusieurs autoroutes sont coupées, car elles servent de bassin pour stocker l'eau et dégager d'autres voies. Des "underpass", ces routes souterraines, sont impraticables : l'eau y atteint parfois un bon mètre. 

Nous avons de la chance : non seulement nous habitons au 5e étage, mais nous sommes aussi près du quartier riche de la ville, dont les pompes fonctionnent extrêmement bien. Nous avons de l'électricité, internet, de l'eau potable non polluée. Chaque jour ou presque, je profite d'une accalmie pour aller constater la situation en "live" : quelques branches cassées, quelques ruisseaux qui n'étaient pas là la semaine dernière, mais globalement, rien de grave. 

Le plus inquiétant, c'est la fermeture des commerces. J'en développe des réflexes de survie : combien de temps peut-on tenir avec cette quantité de bouffe ? Encore dix jours, selon mes calculs. Nous avons assez d'eau en bouteille pour tenir quatre jours sans se rationner, si jamais les canalisations sont contaminées. Chaque jour, on charge nos téléphones et ordinateurs à fond, au cas où. Nous avons disposé des bougies un peu partout dans l'appartement. Ce qui avait commencé comme des vacances improvisées se poursuit en mode guerre des nerfs. 

La télé américaine ne fait rien pour arranger les choses. Nous n'avons qu'une chaîne d'info en continu sur internet, CBSNews. Ce n'est pas peu dire que leurs reportages sont anxiogènes : câbles à haute tension cachés dans les flaques, alligators et serpents entrant dans les maisons à la faveur des inondations, réservoirs qui menacent de craquer, usines chimiques qui menacent d'exploser, moustiques porteurs de virus exotiques, découvertes de cadavres noyés dans des circonstances toutes plus abjectes les unes que les autres... On se croirait dans une superproduction hollywoodienne. 

La présentatrice semble presque se délecter d'employer des mots aussi dangereux, aussi rares, "explosion", "des dégâts qui se chiffrent en millions", "l'une des plus grandes catastrophes naturelles de l'histoire des USA". Ce sensationnalisme éhonté donne envie de vomir. Mais la crainte colle à l'écran : on veut savoir, évaluer, comprendre à quoi on a échappé, au juste. Il n'y a que quand mon coeur se met à battre à toute vitesse, alors qu'on parle de danger hypothétique, et à plusieurs kilomètres, que je parviens à me dire stop. Ca suffit. Les reportages crapoteux me font plus de mal que de bien.

On prend des nouvelles des copains, on en donne aux proches vivant en France. On peut situer avec précision le jour où les télés françaises font un reportage sur l'événement : ce jour-là, on reçoit quinze emails demandant si ça va. On essaie de ne pas s'agacer des connaissances facebookiennes droguées à l'info qui cherchent à t'expliquer ta propre situation. Comme si tu ne passais pas un quart de tes journées à te renseigner dans tous les sens. 

Le mercredi 30 août, pour la première fois depuis une semaine, le soleil brille quand on se lève. Harvey s'en est allé voir ailleurs. Notre partie de la ville est définitivement hors de danger. Maintenant, il faudra reconstruire, nourrir, aider ce qui n'ont pas franchement eu notre bonne fortune. 

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