samedi, septembre 23, 2017

Comme un ouragan part 1

(Le titre est facile, c'est vrai, je m'en excuse de suite, mais il me fait rire.)

Harvey, j'en ai entendu parler la première fois un mercredi, à la cantine, par une collègue de sciences américaine. "Vous savez qu'un ouragan se dirige vers nous dans les 48H ?" La tablée, entièrement constituée de profs présents depuis un an à peine, s'allume de petits sourires. "Moi j'ai presque envie de voir ça, on nous parle de saison des ouragans et on n'a encore rien vu." "Oui, enfin bon, si c'est comme à chaque fois, on nous dit de prendre des milliers de précautions et il ne se passe jamais rien." "Personnellement, je préfère ça au fait de me faire surprendre sans matériel, rétorque la collègue américaine. C'est pas si difficile de stocker de l'eau et de la nourriture pour quinze jours."

Son argument fait mouche. Qu'est-ce qu'on perd à se préparer ? Le lendemain, je profite d'un trou dans mon emploi du temps pour aller acheter un peu d'eau et de conserves. Première surprise : le supermarché qui est tout le temps vide est à demi-plein. Deuxième surprise : le rayon eau est quasiment dévalisé. J'embarque deux des dernières bonbonnes d'eau à prix raisonnable, et un pack d'eau gazeuse. 

En fin de journée, on repasse au Wall-mart du coin se procurer des bottes, des piles et des bougies : là, le rayon eau est complètement vide, ratissé. Il ne reste même plus les eaux bourrées d'anti-oxydants ou issues d'un puits himalayen ultra-pur à 3 dollars les 50cl. Qu'à cela ne tienne, les Américains autour de nous bourrent leurs caddies de soda et de jus de fruits. Je me demande vaguement si c'est ça qu'ils utiliseront pour remplir les biberons des nombreux bébés que j'aperçois. On achète aussi de la nourriture qui ne périme pas, au cas où on serait coincés plusieurs jours : pain, céréales, maïs et autres trucs en boîtes qui ne nécessitent pas de cuisson. Le réflexe des locaux est encore une fois différent : ce sont les chips, gâteaux et snacks qui partent le plus vite. Plus tard, on distinguera de jolis fruits et légumes pourrissant tranquillement sur leurs étagères, à travers les vitres des commerces fermés pour raisons de sécurité. 

Le soir même, l'école envoie un message à tous ses personnels : pas d'école demain, la météo est trop mauvaise. Je dois avouer que j'ai eu un petit mouvement de joie. A ce moment-là, on espérait encore que ça ne serait pas grand-chose, qu'on en serait quittes pour plus de peur que de mal, comme à chaque fois qu'on a une alerte aux inondations-éclair. 

Le vendredi matin, tout était calme dans le quartier. Je suis sortie faire un tour, en étrennant mes nouvelles bottes en caoutchouc. Il y avait bien quelques magasins qui clouaient des panneaux de bois sur leurs vitrines, d'autres qui empilaient des sacs de sable devant leur porte, mais la majorité semblait continuer à vivre comme si de rien n'était. Et puis les images de Corpus Christi ont commencé à arriver. 

La ville avait été frappée de plein fouet par l'ouragan. Des bâtiments avaient été pulvérisés, retournés sur eux-mêmes façon maisons de poupées et éparpillés sous forme de planches un peu partout autour. Des routes étaient bloquées. Des arbres déracinés. C'est là, je crois, qu'on a vraiment commencé à comprendre que c'était un danger mortel. 

Chez nous, Harvey ne débarquerait pas avant la soirée, voire le milieu de la nuit. La météo se voulait rassurante : ce n'est plus un cyclone de catégorie 4, juste une grosse tempête tropicale. Ce n'est plus le vent qui peut causer des dégâts, mais la pluie, surtout si elle s'installe un peu trop longtemps sur nos têtes. Mais on ne devrait pas avoir l'effet "soufflé par une bombe" des villes de la côte. On a respiré un peu mieux, et on est allés se coucher, se demandant un peu dans quel état on trouverait Houston au réveil.

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