Parmi la multitude de différences culturelles, sujet permanent d'ébahissement, entre la France et les USA, il y en a une qui me tarabuste particulièrement : la notion d'effort. C'est tout à fait paradoxal, cette approche étatsunienne, et j'ai encore du mal à bien tout cerner. Mais je vais essayer.
Le premier lieu où la divergence est frappante, c'est sans doute le travail. L'effort y est survalorisé par rapport à la France : c'est tout à fait normal de faire des heures sup' non payées, de repasser au bureau le samedi, car on se définit presque par son métier. A l'école, c'est un peu la même chose (au moins dans les classes moyennes à aisées) : il faut prendre des cours particuliers le soir ou le week-end, faire de la musique, du sport, de l'art, quitte à se lever à 4H30, à rentrer à la maison à 19H, et à faire ses devoirs dans l'entre-deux. Tout cela est très bien vu : c'est courageux, volontaire, un investissement pou l'avenir.
En revanche, pour le reste du quotidien, l'effort est un concept carrément dépassé. Prenez l'effort physique : la majorité de mes collègues américains prennent l'ascenseur pour descendre du parking (deux étages) ou pour monter près de leur salle de classe (un étage). Même chose avec mes voisins (du coup, on a toujours de la place pour se garer à côté de l'escalier, c'est chouette). Prenez la nourriture : résister à la gratification qu'offre une part de gâteau à la crème, ou un burrito lardé de fromage, est une idée franchement saugrenue. Il est trois heures de l'après-midi et vous avez déjà mangé quatre fois aujourd'hui ? Qu'à cela ne tienne ! Vous faites bien ce que vous voulez. Plus ça va, plus je me demande si l'épidémie d'obésité locale n'est pas en grande partie due à cette éducation. Des personnes en surpoids, il y en a en France, en Angleterre, au Mexique, mais les proportions affolantes que prennent certaines silhouettes, du type 200kg à vue d'oeil, sont assez typiquement américaines. Est-ce que cela ne pourrait pas être lié à une difficulté à trouver les limites ?
Pour terminer, prenons les petites tâches du quotidien : la cuisine, le ménage, la lessive, sortir les poubelles, promener le chien, etc. Eh bien pour chacune de ces activités, il y a moyen de sous-traiter de façon permanente et peu chère. Je ne plaisante pas : dans mon immeuble, il y a une taxe spéciale sur les loyers pour le ramassage de poubelles. Devant notre porte. Pour les déposer 50m plus loin. Il y a également un service de nettoyage à sec épatant : on met nos fringues sales dans un petit casier façon piscine, et 48H plus tard, il réapparaît propre. Evidemment, la boutique de nettoyage à sec est à 500m à pied. Je passe sur les services de livraison d'ingrédients mesurés au mililitre près pour cuisiner de bons petits plats - eux sont bien plus chers.
Bref, vous voyez, ce qui peut nous sembler sain et agréable, ou du moins facile en France est ici une corvée inutile. A l'inverse, l'implication dans le travail (et l'école, et le bénévolat) relève presque du sacerdoce.
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