mardi, juin 28, 2016

Ce qui n'appartient qu'à la Californie

J'ai déjà longuement décrit, de vive voix et dans ce blog quasi-confidentiel, mon quotidien d'expatriée volontaire, tantôt amusée et tantôt affligée, parfois nostalgique, souvent paumée, toujours à cheval entre deux mondes. Je m'aperçois qu'une grande partie de ce que j'ai pu dire ou écrire relève de l'inadaptation du migrant, et pourrait finalement être ressenti par pas mal de gens sous d'autres latitudes, dans des sociétés humaines bien différentes. Aujourd'hui, assise sur ma terrasse en pleine forêt, un geai bleu voletant en face de moi, j'ai envie de parler de ce qui est spécifique à la Californie, et qui ne se retrouve nulle part ailleurs dans ce pays. Pour être vraiment rigoureuse, d'ailleurs, je dois préciser qu'il s'agit de la Californie du Nord, dans un rayon de 250km autour de San Francisco, à peu près. Santa Barbara, Los Angeles, San Diego, c'est encore un autre état d'esprit.

La Californie du Nord, c'est d'abord la contrée des liberals. A ne pas comprendre comme en français, où l'on visualise tout de suite Nadine Morano ou Frédéric Lefebvre, ainsi que leur cortège de dérégulations. Non, ici, les libéraux sont des progressistes. Les couples homos sont très bien intégrés, il n'est pas rare de croiser des transsexuels à San Francisco, se reproduire n'est d'ailleurs pas obligatoire pour être validé socialement, et avoir tatouages visibles et cheveux bleus n'empêche personne de devenir caissier au supermarché du coin. C'est comme-tu-veux, c'est ta vie. A Santa Cruz, il y a même un nombre non négligeable de néo-hippies qui se baladent pieds nus et vendent de petits objets à même le trottoir, ou jouent de la musique pour gagner quelques sous. Beaucoup de SDF venus de tout le pays choisissent d'ailleurs de rester ici, car la Californie est l'un des états où il existe une vraie politique d'aide aux sans-abris. Les soutiens de Trump, car il y en a, s'expriment peu en public, tellement ils sont rares. 

Tout cela rend les Californiens assez fiers d'eux-mêmes, et parfois un chouïa méprisants avec le reste des USA. Les bouches se pincent, les regards se font désolés quand je dis que je déménage au Texas dans un mois. Le Texas, ce sont les rednecks, les conservateurs anti-avortement, les porteurs d'armes à feu, presque Néanderthal, quoi. Mais enfin, quand on quitte ce séjour béni des dieux, à quoi s'attendre sinon à un choc culturel ?

La question de la race, si centrale au modèle américain, est ici plutôt moins prégnante qu'ailleurs. Peut-être parce que beaucoup de migrants sont qualifiés et viennent travailler pour la Silicon Valley. Peut-être parce que beaucoup sont Européens, donc en majorité Blancs, et que les descendants de Chinois, Vietnamiens ou Coréens réussissent particulièrement bien à l'université. J'ai bien entendu des commentaires désagréables sur les Indiens, qui vivent souvent en communauté, mais les vraies victimes du racisme décomplexé, ce sont les Mexicains. Nounous pour les femmes, bâtisseurs multitâches pour les hommes, ramasseurs de fraises à la main sous un soleil brûlant pour les deux : l'imaginaire local ne va pas beaucoup plus loin. Ils sont relégués dans des quartiers ou parfois des villes-ghettos, où l'Américain moyen a du mal à réprimer un sentiment d'insécurité. 

J'ai cherché un groupe sur internet pour pratiquer mon espagnol ; je n'en ai pas trouvé, alors que j'ai intégré deux groupes francophiles. Le français, c'est la langue de la bonne cuisine, de la mode, de la culture : ça fait chic. L'espagnol, c'est la langue de la serveuse de fast-food ou du dealer. Personne n'a envie de cultiver cette image de soi-même.

La Californie du Nord, c'est aussi une nature à couper le souffle. Littéralement. Des canyons et chutes d'eau de Yosemite à la spectaculaire Highway One, l'Européen prend sa dose d'espaces immenses et de végétation à perte de vue. Même la grande ville qu'est San Francisco ne l'est pas tant que ça : 800 000 habitants, quand sa presque voisine San José en compte presque un million. Les trottoirs y sont larges, et on trouve facilement des quartiers résidentiels si calmes et ombragés qu'on a du mal à croire qu'on est toujours à SF. En revanche, le coût de la vie y est tel que la classe moyenne est progressivement chassée de la ville, doit vivre dans des banlieues-dortoirs hors de prix, et que la communauté hispanique de Mission, la plus précarisée, a du mal à trouver des profs pour ses enfants, car les salaires ne leur permettent pas de vivre à moins de 2H de leur école. Une amie éducatrice m'a confié que si elle se séparait de son mari, qui travaille pour la tech industry, elle ne pourrait se payer qu'un mobil-home avec son seul salaire. Et elle vit à Santa Cruz, petit ville côtière sans prétention, pas à Palo Alto ni à Palm Springs.


Terminons sur une note positive : je crois bien que, plus jamais de ma vie, je n'aurai l'occasion de voir tant d'animaux sauvages dans un si petit périmètre. Cerfs, chipmunks, raton-laveurs, coyotes, serpent à sonnette, loutres, otaries, phoques, éléphants de mer, et toujours ces fameux lynx et pumas qui font exprès de se cacher mais qui rôdent tout près, on le sait. Maigre consolation : au Texas, en-dehors des mygales, des alligators et des serpents tricolores, il y a des tatous, ce petit animal préhistorique à la longue queue. Peut-être même que j'en posterai des photos ici.

1 commentaire:

Maïa a dit…

Ah le racisme.... :(
Moi j'ai repris les cours d'espagnol ce mois-ci, justement !
N'hésite pas à poster des photos d'animaux ici (ou ailleurs) ;)