vendredi, mars 04, 2016

From California, with love


I.

C'est une drôle d'expérience que celle du temps distendu, qui s'étire entre tes doigts façon chewing-gum. Du temps gratuit, dont tu n'as à rendre compte à personne. Une sorte d'avance sur retraite, prise au milieu de la vie - dans ces temps difficiles, on ne sait jamais. Du temps à modeler : ça n'a pas de forme, juste celle que tu lui donneras, éventuellement. Tu as cinq mois pour faire quelque chose d'intelligent, de beau, d'inédit, de ta vie. Quelle pression.

Je dois très sincèrement me trouver dans une des plus belles régions qui soient mais, ironie du déraciné, je n'ai pas grand-monde avec qui la partager. Il faudra un jour que je m'interroge sur les raisons qui me font foutre le camp dès que j'ai acquis une certaine stabilité quelque part. En attendant, je vais à la plage seule, je me promène dans la forêt seule, je m'émerveille de voir des colibris et des petits lapins seule. J'épuise les lieux où je peux me rendre facilement, l'arboretum, le musée d'art et d'histoire, le spot où viennent frimer les meilleurs surfeurs.

Il faut dire que je n'ai pas encore gagné mon passeport pour l'indépendance, le permis de conduire californien. Vaguement traumatisée par mes trois échecs à la version française il y a presque vingt ans, je me répète ce que dit le manuel du conducteur local, «  The Department of Motor Vehicles wants you to pass ». Ma réussite au code de la route, quelques dix-sept heures après ma sortie de l'avion, m'autorise déjà à conduire avec Nick à mes côtés. Comme ça, sans leçons de conduite ni véhicule à double commande, les jeunes Américains sont lancés sur les routes. A seize ans. Au volant d'une voiture, moi, je suis désorientée. Je ne sais pas lire l'espace urbain américain. Les feux sont placés de l'autre côté de l'intersection, la priorité à droite n'existe pas, il y a souvent des choses écrites à même le sol, on se fait klaxonner pour ne pas avoir tourné à droite alors que le feu était rouge... Codes nouveaux, à étudier, à assimiler.

L'organisation de la ville est très peu verticale, pas de hautes tours dans la capitale des hippies, et l'espace disponible est immense. En comparaison, l'Europe paraît recroquevillée sur elle-même, maximisant ses zones constructibles et ses surfaces agricoles. Ici, les maisons n'ont pas nécessairement d'étage, mais une surface au sol équivalente à cinq salles de classe. Je marche sur des trottoirs ultralarges, je bois des thés dans des cups en carton trois fois trop grandes, j'ai acquis i-phone et i-pod, je suis connectée, un cliché vivant, les US c'est vraiment le pays du gigantisme.
TO BE CONTINUED...

Aucun commentaire: