Ce
matin, en ouvrant la radio
Des
corps repêchés dans la Méditerranée
Devant
ma tasse de thé du matin.
Drames
de l’immigration
Qui
s’empilent
On
est devenus fatalistes, en Occident.
Ils
meurent par milliers, nous le savons.
Ils
nous arrivent déshydratés, terrifiés, orphelins
(Quand
ils nous arrivent)
Ils
seront par la suite exploités, mal logés, affamés
Pour
les plus chanceux.
Les
autres seront – ahem – reconduits au pays, à la frontière
Parfois
au cimetière
Les
accidents, ça arrive
A
base de chiffons pressés sur la bouche, ou enfoncés dans la gorge.
Comment
fait-on pour se cacher yeux, oreilles, nez
Quand
on habite Lampedusa
Ou
n’importe quelle autre partie du monde
On
dirait que la culpabilité est devenue partie inhérente de l’humaine condition
De
la condition de l’humain bien nourri
On
a surtout eu de la chance
En
ne naissant ni sous les bombes ni dans le désert
Et
on le sait bien.
Comment
veux-tu les blâmer ?
De
fuir la guerre civile, les persécutions
Ou
même simplement la faim.
Cette
faim dont je ne saurai jamais la première douleur
Je
ne peux qu’imaginer
La
peur de tomber à l’eau
Au
moindre ressac
Et
qui dit tomber dit se noyer.
L’eau
dans les poumons, l’océan pour sépulture
Pas
de funérailles, pas de famille, pas de terre de nos ancêtres
Dormir
à vingt sur une barcasse qui ne devrait pas accepter plus de cinq hommes
Et
la faim
Et
la soif, intense
Et
la peur que ton bébé s’en aille mourir dans tes bras avant que tu aies touché
terre
Avant
que tu aies pu avoir un lait assez riche pour qu’il arrête de maigrir
Et
que tu aies pu le nettoyer correctement.
Jamais
je ne pourrai faire autre chose qu’imaginer.
Où
que j’aille, Egypte, Mexique, Sénégal, je serai blanche.
Je
serai éduquée.
Privilégiée
Et
laissée à la seule faculté d’imaginer le quotidien des autres.
On
me dit : tu as une vision romantique de la situation.
On
me dit : ben oui, mais qu’est-ce qu’on peut bien faire ?
L’Occident
n’a pas de solution pour eux. Il est épuisé de soutenir son propre peuple et le
welfare state n’a plus vraiment le vent en poupe, ces temps-ci.
Accueillir,
soigner, financer des gens qui ne sont même pas d’ici ?
Bien
sûr qu’être humain n’a ni couleur ni race ni religion
Mais
je te rappelle qu’il y a des Allemands, des Italiens, des Français qui crèvent
de faim sur nos trottoirs.
Occupons-nous
déjà de ceux-là, tu ne crois pas ?
La
plus simple humanité demande tant d’énergie.
Hier,
alors que j’aidais un jeune Tamoul à remplir un formulaire pour les aides
sociales
-le
septième de ma classe qui compte douze élèves-
Je
me suis dit, Ca doit coûter cher à la France, surtout en période de crise.
Je
ne m’étais jamais préoccupée de cet aspect des choses auparavant
Je
n’avais jamais éprouvé le besoin d’être raisonnable, rigoureuse, austère.
J’avais
toujours refusé d’envisager cette question autrement que sous l’angle humain.
Si
moi, la gauchiste altermondialiste qui lutte pour les droits des migrants depuis 7 ans
Je
me mets à penser ainsi
Que
pense la majorité des Français ?
Celle
qui vote massivement UMP dès qu’elle en a l’occasion
Celle
qui se choisit çà et là des maires Front National ?
Le
racisme insidieux
Le
« Eux contre Nous », le « c’est Eux ou Nous »
Le
« Moi aussi j’ai des idéaux, mais nous n’en avons plus les moyens »
La
vision comptable et étriquée de l’existence
Ont
gagné tant de terrain.
Sans
même qu’on s’en rende compte
Cela
infuse malgré nous.
Je suis triste et j'ai peur.
Ceci est un cri de détresse.
1 commentaire:
Quelle belle écriture qui vient du fond du cœur (nouvelle phrase !). Il me plaît beaucoup que je te connais.
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