On avait beau s'en douter depuis quelques jours, ça fait toujours mal.
A se demander si, finalement, laisser le peuple décider par lui-même se justifie bien. On regarde avec suspicion les gens dans le métro : vingt-six passagers. Là-dessus, y'en a environ douze qui ont voté Sarko. Ces douze-là se foutent de ses liens privilégiés avec les médias et les milieux d'affaires (Mais non Silvio, c'est pas de toi que je cause), de ses rafles de sans-papiers à la sortie d'écoles ou lors de distribution de nourriture, de sa volonté de dépister la délinquance, forcément génétique, dès la maternelle. Voire, y'en a que ça rassure ou réjouit. Ca fait pas envie.
J'ai terminé cette campagne beaucoup plus enthousiaste que je ne l'avais commencée. J'ai même voté par conviction, et pas par pure loyauté ou anti-sarkozysme primaire. D'abord, c'est vrai, Ségolène, son goût prononcé pour la notion de famille, les relents d'ordre moral de ses discours, me déplaisaient franchement. Je trouvais son tour de France des discussions un brin démago, et son absence de programme me gênait sérieusement. Et puis insensiblement, depuis février, elle m'a convaincue. Parce qu'elle prônait une vraie politique de gauche, que ses discours ne manquaient pas de panache. Et parce qu'en tant que femme, elle s'en est tant pris dans la poire que, forcément, elle m'est devenue sympathique.
Je ne reviendrai pas sur les "Qui va garder les enfants ?" et leurs variations provenant de son propre camp. Leur sombre crétinerie parle d'elle-même. Mais l'étiquette d'"incompétente" qui lui a collé au tailleur pendant toute la campagne me paraît beaucoup plus choquante. Parce qu'elle n'était souvent assortie d'aucun argument concret, parce que personne ne croit sérieusement qu'un président sache tout sur tout et gouverne sans conseillers techniques, et parce que l'on n'a jamais acollé cet adjectif à son adversaire, qui pourtant nous aura largement abreuvé en inepties.
Alors, macho, la France ? On craignait que DSK ne soit pas élu parce qu'il est juif. On a aussi expliqué la défaite de Jospin en 2002 par son protestantisme. Aucun Noir ou Maghrébin ne s'est encore risqué à briguer la magistrature suprême, mais il y a fort à parier qu'il serait bien reçu. Ah, cette fameuse rencontre entre un homme et un peuple... Homme oui, pas femme, et Blanc, catholique, médiatique.
Y'a juste des jours où on a envie de beugler : "Pays de meeeeeerde !"