mercredi, mars 28, 2007

Emeute, qué emeute ?

"Mesdames et Messieurs, notre train ne marquera pas l'arrêt à gare du Nord pour cause d'émeutes dans les couloirs. Euh...c'est pour votre sécurité, en fait."
Elle cherchait ses mots, la conductrice de la ligne 5. Comment ça, des émeutes en plein Paris ? Elle n'avait sûrement pas signé pour ce genre de mission en entrant à la RATP. Quand le train est passé dans la station, au ralenti et portes jalousement fermées, on a pu apercevoir des rubans rouges barrant les sorties, et quelques usagers fatigués coincés sur les quais. Rien à voir. Circulez.
Ce matin, on en sait un peu plus. Tout est parti d'un "banal" contrôle d'identité, parce qu'un pauvre gars n'avait pas payé son ticket. Un simple sauteur de tourniquet, certes récidiviste. Les témoins évoquent un tabassage en règle de la part de CRS, un soutien musclé de la part de voyageurs, et d'une inévitable perte de contrôle générale.
Je pourrais parler longuement de cette insupportable manière qu'ont les flics de tutoyer et rudoyer, systématiquement. Je pourrais certifier que je n'ai jamais au grand jamais été contrôlée question papiers, dans le RER E qui avait son lot quotidien de vérifications. Pourtant je pourrais très bien être ukrainienne, marocaine ou algérienne. Je pourrais encore rapporter ce sentiment anti-policier de base parmi mes élèves, devenu sentiment anti-Sarko, vaguement inquiétant quand il n'est suivi d'aucune réflexion politique.
Mais à quoi bon identifier des bons et des méchants ? La vérité est que ces pandores agressifs ont peur, et qu'ils croient se protéger en attaquant les premiers. Et c'est aussi que des gamins de Clichy-sous-bois ont assez peur d'un "banal" contrôle policier pour aller risquer leur peau dans un transfo EDF. Dos à dos, mais dans une même incompréhension de l'autre.
Dans les médias, les syndicats de la force armée fustigent ces "jeunes" (terme bien vague, dont on se doute qu'il désigne des gosses plutôt basanés) qui refusent l'état de droit, et la gauche s'en prend à Sarkozy qui a mis des uniformes bleus partout. La population craintive qui crie son ras-le-bol et la minorité agissante qui signe sa colère à coups de voitures brûlées. Des agents armés et une garde-à-vue contre une instit s'opposant à l'arrestation d'un grand-père sans-papiers. La fermeté contre l'éducabilité. On n'en sort pas. Comme si la prévention pouvait fonctionner sans répression, et vice-versa. Et comme si on pouvait faire l'économie de la compréhension de l'autre, de sa pensée et de sa souffrance.
Je ne sais pas bien à quoi ce mouvement est dû, mais cette persistance dans la logique d'affrontement m'effraie. Alors oui, ces projets de police de proximité, de matchs de foot entre flicaille et racaille, ça me paraît une bonne idée. Histoire de comprendre avec son coeur qu'il y a un être humain sous les képis et sous les bandanas.

jeudi, mars 15, 2007

The art of yelling

Mon métier, c'est quand même largement hurler sur des mômes. Je vous jure que j'aimerais mieux pas, mais il est des constats aussi fatals que décourageants. On se croit grand passeur de sens, on n'est qu'égosilleur à tous vents.

Personne, je pense, n'entre dans la carrière d'enseignant avec l'envie de beugler sur tout un tas d'élèves réfractaires. On s'imagine tous prêcher devant un auditoire fasciné, professeur préféré des gamins, capitaine ô mon capitaine. Que je te manierai l'ado différemment, que je te refuse de jouer les petits caporals fascistes.
Tu parles.

D'abord, la douceur et la compréhension, ça ne nous vaut rien. Ou alors si, quelques tentatives d'arnaque style "j'ai pas pu faire mes devoirs, mon chien a avalé tous les crayons de la maison". Ensuite, le coup de gueule inopiné, ça marche. C'est assez peu glorieux pour la nature humaine, mais c'est vrai : on a tendance à se faire tout petit devant le hurleur. Et à ce jeu-là, je crains pas grand-monde.

Le truc, c'est qu'on n'a pas tout le temps l'envie de piquer une crise de nerfs. C'est fatigant, ça fait devenir tout rouge. En plus, il paraît que ça nous enlève des heures de vie. Alors j'ai trouvé l'astuce : comme dans mes cours de théâtre, je fais appel au souvenir d'une colère. Je joue la prof excédée. Hausser le ton, augmenter le débit, regarder droit dans les yeux, faire quelques moulinets dans les airs. Et les gamins s'y trompent, grands nigauds qu'ils sont.

Le seul détail que je n'ai pas réussi à régler, c'est que je fais pareil dans ma vie privée. J'ai dû faire sauter une inhibition, je sais pas. Mais j'ai remarqué que mes copains faisaient la tronche quand je leur disais : "Oh la, Machin, tu te tais et tu m'écoutes !"
Comme quoi, sont bien délicats.

mercredi, mars 07, 2007

Ah, ils m'avaient manqué

10h48 : "Madame, vous avez dit qu'on faisait les questions 3 et 10 ou bien les questions de 3 à 10 ?"
13h 36 : "Madame, comment ça s'appelle déjà, les paradis là, dans lesquels ils vont les poètes qui fument de l'opium?"
14h16 : dans un exercice où il s'agissait d'assortir des noms comme "liste, sentence, excuses" à des verbes comme "dresser, prononcer, présenter", Grégory a réussi à me pondre l'association "jouir ensemble". Sic, et avec la plus jolie candeur qui soit.
Parfois je me demande ce qu'ils racontent à leurs parents de leurs journées de cours.