dimanche, juillet 24, 2016

Moving in, and out, and in again

Deux à trois mois : c'est le temps qu'il me faut généralement pour me sentir chez moi quelque part, pour prendre mes habitudes locales et pour rencontrer suffisamment de potentielles sources de chaleur humaine. C'est exactement ce que j'ai réussi à faire ici en Californie, où j'ai ma plage préférée, mon supermarché cool-bobo-bio-local préféré, mes activités du mardi matin, jeudi soir et vendredi après-midi soigneusement réglées. Et c'est aussi ce que je m'apprête à recommencer à zéro, au Texas, dans moins d'une semaine.

Il ne serait pas juste de dire que je suis seulement triste de partir. Après tout, je commence à être habituée aux tournées d'adieu, et je savais depuis le début que mon séjour californien serait provisoire. Et puis l'aventure à venir est assez excitante. Si j'ai hâte de retrouver une vie active avec des élèves dedans, je suis aussi très curieuse de voir à quoi ressemble ma future ville d'adoption. Tout le monde m'a tellement dit de mal de Houston, sa jungle urbaine ses steaks houses ses mégachurches son climat étouffant, que je suis déterminée à l'aimer. Esprit de contradiction oblige.

Chercher un appart' à Houston est assez déconcertant. Le marché est tellement fluide, et les protections envers les locataires qui auraient ne seraient-ce que trois jours de loyer de retard tellement inexistantes, qu'il est assez facile de trouver à se loger. Nous comptons une semaine pour trouver, signer et emménager. Totalement surréaliste pour qui vient de Paris, ou même den'importe quel petit bled californien où il faut quasiment rédiger une lettre de motivation pour pouvoir louer le petit pavillon de centre-ville qui vous a tapé dans l'oeil. 

Ensuite, pour trouver votre quartier de prédilection dans cette ville tentaculaire, des sites internet mettent à disposition une compilation de données, neighborhood par neighborhood. Et ça file le vertige : non seulement on peut savoir le revenu moyen, l'âge moyen et la taille du foyer moyen de ses futurs voisins, mais aussi leur appartenance ethnique, leur temps de trajet domicile/travail et leur nombre d'heures de sommeil par nuit ! Entre me récrier prioritairement contre ce fichage minutieux des citoyens et protester viscéralement contre ce formidable outil pour éviter toute mixité sociale, j'hésite encore. Nous avions innocemment choisi nos deux quartiers préférés en fonction de leur proximité avec l'école, le « centre ville » (qui ne veut pas dire grand-chose là-bas), un parc et une rivière. En plein dans le mille : les résidents en sont majoritairement blancs, 35 ans en moyenne, beaucoup de célibataires et de familles d'un ou deux enfants, revenus comparables aux nôtres. Force est de constater que, même sans données bigbrotheresques à l'appui, on s'assemble avec ceux qui nous ressemblent.

Ma rentrée scolaire s'annonce elle aussi franchement différente de tout ce que j'ai pu connaître en France. Déjà, on me donne plein de sous pour acheter de nouveaux meubles, et on me paie six nuits d'hôtels le temps que je trouve un logement. Ca change de mes années TZR (titulaire d'une zone de remplacement) où on m'appelait parfois trois semaines après la rentrée, pour me dire qu'il fallait aller là le lendemain, oui c'est loin et ah vous n'avez pas de voiture, ben tant pis. On m'a aussi envoyé tous les documents administratifs à l'avance, y compris ceux pour passer le permis de conduire et ouvrir un compte en banque, et un « petit guide de survie culinaire aux USA », charmante attention. La liste des documents et activités faits en classe, que m'a gentiment envoyée une collègue, fait plus du double de ce que je réussissais à caler en une année dans le 93. 

Mais le meilleur est pour la fin : avant de pouvoir approcher la moindre tête blonde, je dois remplir un test en ligne sur la prédation sexuelle et le repérage des comportements potentiellement pédophiles. Soit trois bonnes heures de vidéos, témoignages d'agresseurs-ses et statistiques diverses, accompagnées d'un quiz à la fin de chaque cours. N. avait dû faire la même chose concernant les relations appropriées entre prof et étudiant il y a quelques mois. Il faut dire qu'ici, le « college rape » a longtemps été quelque chose de l'ordre du sport national, et que ça n'est pas franchement fini.

So, il est Houston-7 jours, et j'ai l'impression que les histoires flokloriques ne font que commencer. More to come soon:-)

jeudi, juillet 07, 2016

4th of July

...ou fête nationale, fête de l'indépendance, ou plus exactement fête du moment où tous les délégués des différents états américains ont réussi à se mettre d'accord sur une formulation commune de déclaration d'indépendance. 

C'est peu dire que la journée est propice aux marques de patriotisme. Pour moi, immigrée de fraîche date, il était impensable de laisser passer la journée sans assister aux manifestations culturelles typiques. On a donc commencé la matinée avec la traditionnelle parade (mais The world's shortest parade, seulement deux pâtés de maison, faut pas déconner non plus). Il y a de tout : des écoles de sport qui font défiler des pom-pom girls ou des gamins hurlant que le base-ball, c'est génial, des voitures de collection habillées pour l'occasion, des professionnels qui en profitent pour faire leur pub, de simples particuliers revêtus de bleu-blanc-rouge.



Mais ce que j'ai préféré, ce sont encore les spectateurs du défilé :



Fuyant la propagande évangélique qui voulait nos offrir des hotdogs et des boissons fraîches (Nous ne consommons ni viande ni religion !), nous sommes allés passer l'après-midi à Elkhorn slough, spot magnifique pour se balader en kayak parmi les loutres de mer, les phoques et les pélicans. Il n'y a là guère de photos, pas parce que je n'ai pas osé risquer la vie de mon téléphone portable en le maintenant coincé entre mon pull et mon gilet de sauvetage, mais parce que ledit téléphone portable a un zoom pourri (et a risqué sa vie en vain, donc). 

Le soir, rebelote patriotique : concert et feu d'artifice à Scott's valley, à quelques kilomètres de la maison. Premier sujet d'étonnement : il faut payer 8 dollars l'entrée, car le parc n'est pas prêté par la ville aux différentes organisations, mais loué. Le groupe reggae-rock qui se produit est formé de profs et coachs du lycée de la ville, et n'est pas mauvais mais, sans doute parce que je ne suis pas née ici et que je ne crois pas que les USA ont inventé la liberté, leurs paroles du style "Ne laisse personne te détourner de ce que tu aimes", "Tu peux devenir ce que tu veux", "Continue à faire la fête, ceci est un pays libre" m'agacent lentement, mais sûrement. Je ne suis pas la seule à faire de l'ironie : notre ami Tom, apercevant cette énorme voiture toute pavoisée, s'exclamera : "Les soldats américains ont donc perdu la vie en Irak et Afghanistan pour que nous, citoyens, puissions remplir le réservoir de nos 4x4".

Toutes les variations du mot "liberté" sont sur les tee-shirts, les voitures, les chapeaux : "free at last!", "Land of freedom", "Land of the free"... Je me rappelle, non sans sourire, que les médias parlent toujours d'élire "The leader of the free world" en novembre. Les Etats-Unis exportent la liberté et la démocratie, puisqu'on vous le dit. 

Les bières, pourtant interdites de consommation dans les lieux publics, coulent à flots, et la traditionnelle "apple pie" est servie à la chaîne. Une chanteuse professionnelle prend ensuite le relais du groupe de profs, et entonne un hymne américain façon gospel à vous donner la chair de poule. Les festivités se terminent par un feu d'artifice. Beaucoup de communes y ont renoncé, à cause du coût et des risques d'incendies, très forts en cette période de l'année. L'inconvénient de Scott's valley, c'est que comme la majorité des villes du bord de mer, le brouillard y est fréquent mais imprévisible. Le feu d'artifice a donné à peu près ça :


C'était mon premier quatre-juillet, peut-être le dernier avant un moment, pour cause de retour probable en France lors des congés d'été, mais c'était instructif. Et honnêtement, valeurs pour valeurs, je ne sais pas si je ne préfère pas le délire pro-freedom de mon pays d'adoption aux défilés militaires de ma contrée natale.